Nous avons profité des journées Européennes du Patrimoine afin de visiter
"l'Habitation Villèle" qui dans mon souvenir m'avait bien marquée.
Autrefois nous l'appelions
"la Maison Desbassayns" du nom de l'ancienne propriétaire, une vieille dame qui était esclavagiste et qui régentait seule son domaine (cf son histoire). Elle envoyait ses esclaves au sommet du Piton des Neiges lui rapporter de la glace dont elle faisait commerce. Un guide nous a relaté la longue histoire de la famille (09 enfants) et nous a fait visiter la maison bourgeoise : beaucoup de meubles en bois de tamarin et pallissandre, des porcelaines de Chine et des vases de Sèvres (bleus)....
Le domaine a hélas bien changé depuis 30 ans ! un golf a été crée tronquant le jardin et l'entretien n'est plus comme il était.
Le parc à Tortue de St Leu : "Kélonia" nous a également laissé sur notre fin.... le progrès n'a pas que du bon en matière de Musées.............
|
Maison Villèle
|
|
Madame Desbassayns |
|
Le parc où les mariés viennent faire des photos |
Jasmin de nuit ! huuuuuuuuum quelle odeur
Le parc à l'arrière, la mer est visible derrière les bougainvilliers
La Chapelle Pointue construite par Mme Desbassayns
Dalle dans la chapelle
Parquet précieux
Voici l'histoire de la famille :
L 'histoire de Madame Desbassayns c'est tout d'abord celle d'une famille qui,
par sa fortune et son alliance avec la famille de Villèle, intègre au début du
XIXe siècle la grande aristocratie foncière. Aux côtés des Pajot, Kervéguen et
autres grands noms de la Réunion de l'époque, elle va dominer l'île, contrôlant
ses tenants et aboutissants. "Une femme bien née", comme on entend alors. Fille
unique de Julien Gonneau-Montbrun et de Marie-Thérèse Léger des Sablons, Marie
Anne Thérèse Ombline Gonneau-Montbrun est, du côté de sa mère, l'arrière-arrière
petite fille de Françoise Chastelain. Née à Saint-Paul le 3 juillet 1755,
Ombline, orpheline de sa mère décédée en couches, grandit à la Réunion, passant
vraisemblablement la saison fraîche "sur les sables" et la saison chaude entre
Bellemène et le Guillaume. Elle reçoit une éducation rudimentaire au Juvénat des
frères des écoles chrétiennes mais sait lire et écrire correctement, comme en
témoigne son premier testament, rédigé en 1809.
UN CŒUR CHARITABLE
En 1770, elle épouse en l'église de Saint-Paul, Henri Paul Panon, dit
Desbassayns, petit-fils d'Auguste Panon et de Françoise Chastelain. Ils auront
neuf enfants. Le mari, redoutable homme d'affaires, réussit à rassembler des
capitaux à Bourbon, en métropole et à Boston, où il écoule son coton. A sa mort,
le 11 octobre 1800, sa femme se retrouve à la tête de plus de quatre cents
esclaves et d'un patrimoine très étendu. La vraie histoire de Madame Desbassayns
commence alors, lorsque, sortant de l'ombre de son mari, elle prend les rênes de
l'empire foncier et immobilier de la famille. Car outre les centaines d'hectares
d'exploitation, le clan jouit de trois pied-à-terres : celui de Saint-Paul
(devenu collège franco-chinois), du Bernica et de Saint-Gilles-les-Hauts (actuel
musée historique). Le tout est géré d'une main de fer. "Il est sûr que Madame
Desbassayns a apporté énormément à l'économie réunionnaise", soulignait
Jean-François Sam-Long dans sa biographie de la célèbre Saint-Pauloise publiée
en 1987. "En poursuivant le développement de la canne à sucre, en construisant
les usines sucrières, en organisant le négoce avec l'étranger, en s'attachant le
service de chimistes réputés pour améliorer les procédés de fabrication", elle a
acquis une renommée qui dépasse de loin les frontières de sa petite île. Mais
les lettres de noblesse qu'elle a gagnées dans le cœur des Réunionnais, de son
vivant, ne trouvent pas seulement leurs origines dans ses succès économiques. Ce
qui est apprécié, avant tout, chez Madame Desbassayns, c'est son "cœur
charitable", selon l'expression des Archives de Bourbon. Dans sa maison de
Saint-Gilles-les-Hauts, elle accueille tous ceux qui, malades, ont besoin de
soins et d'air pur pour recouvrer la santé, tel son futur gendre, Joseph de
Villèle et plus tard le baron Milius, gouverneur de l'île. Avant 1810, elle
recueille les officiers anglais faits prisonniers, ce qui vaut à la ville de
Saint-Paul un traitement particulièrement doux de la part de l'occupant. Puis
elle héberge, à Saint-Gilles-les-Hauts, les officiers français à leur tour
capturés et reçoit en remerciement, sous la Restauration, le titre de "seconde
Providence", décerné par le gouverneur de l'île.
ENTOURÉE DE PERSONNALITÉS
Autre qualité portée au crédit de Madame Desbassayns, sa capacité à
s'entourer des meilleurs scientifiques pour combler le retard technologique avec
la métropole. Elle met à la disposition de l'ingénieur Wetzell son usine de
Saint-Gilles-les-Hauts et paye toutes les expériences de ce dernier. Le but
recherché : mettre au point des méthodes efficaces et peu coûteuses de
fabrication du sucre. En 1829, elle ajoute une nouvelle corde à son arc en
inaugurant la Cornélie, un navire de haute mer, à vapeur, qu'elle fait
construire aux Chantiers du Havre. Indépendamment de ses voyages à Maurice et à
Tamatave, la Cornélie assure le transport des marchandises et des passagers
entre Saint-Paul et Saint-Denis, en quelques heures. Auparavant le voyage à
terre durait un jour et demi.
Madame Desbassayns est l'égal des hommes dans
la gestion des grandes exploitations. Mais elle dispose d'une qualité
typiquement féminine : elle reçoit ses convives divinement bien. Son grand sens
de la convivialité fait de sa demeure l'un des pôles d'attraction de la vie
mondaine de l'époque. Si elle ne se lasse pas d'accueillir des personnes dans sa
propriété de Saint-Gilles-les-Hauts, elle n'en choisit pas moins ses invités. Ne
sont reçues à sa table que les "personnalités" : officiers, gouverneurs, nobles,
voyageurs de marque de passage dans l'île ou membres du clergé. L'abbé Macquet,
nommé curé de Saint-Paul en 1840, donne un témoignage très précis de ce que sont
les réceptions entre "gens du beau monde". "Nous sommes invités à prendre place
à table", décrit-il. "Les convives sont au nombre de trente.
"Le service
est splendide. Toutes les grandes villes des Indes sont représentées : Calcutta
a étendu ses tapis et ses nattes, Bombay a envoyé son linge le plus blanc et le
plus finement brodé. Pékin y brille par sa porcelaine la plus antique, les
cristaux de Bohème étincellent comme des diamants. La vaisselle plate de Paris
et celle de Londres s'y disputent le prix et le bon goût." Ce fameux sens de
l'hospitalité, à force d'être mis au service des éminents représentants de la
bourgeoisie locale et des visiteurs de passage, finit par susciter des inimitiés
chez certains colons de Bourbon. "Une réserve, voire une froideur et peut-être
même de la jalousie à l'égard du clan Desbassayns", explique à l'époque l'abbé
Macquet.
Mais les avis de ses contemporains sont unanimes : la "Dame" est
d'une grande bonté. Un exemple dans le concert de louanges qu'on lui décerne à
l'époque : "La bienfaisance de Madame Desbassayns s'étendait partout. Elle était
l'une des femmes qui a le plus honoré son pays par la pratique de toutes les
vertus", n'hésite pas à affirmer "L'Indicateur colonial" dans son édition du 14
février 1846.
LE LOPIN DE TERRE OU LE FOUET
Le haut fonctionnaire Auguste Billiard, grand ami du clan Desbassayns et
habitué de la propriété de Saint-Gilles, ne dit pas autre chose dans son "Voyage
aux colonies orientales" : "Vous entrez, vous trouvez une bonne maman (Madame
Desbassayns) entourée d'une demi-douzaine de ses enfants et de ses petits
enfants. (...) Un peu courbée et par l'âge et par suite d'une chute qu'elle fit
il y a quelques années, elle n'en est pas moins remplie de courage et
d'activité, l'expression de sa physionomie est tout à fait bienveillante (...).
Ses ordres se distribuent chaque soir dans ses vastes propriétés, il n'y a point
de ministres qui sachent mieux embrasser tous les détails d'une grande
administration".
Excellente gestionnaire, formidable maîtresse de maison,
telles sont les qualités unanimement attribuées à Madame Desbassayns. Ses
relations avec ses esclaves, "ses 400 serviteurs qui l'adoraient", selon les
Archives de Bourbon, prêtent en revanche à controverse.
La propriétaire ne
semble pas être vertueuse avec tout le monde. A ses obligés, elle présente un
double visage : la "Dame" récompense les Noirs qui la servent "avec le plus
grand dévouement", en leur donnant rentes, lopins de terre, animaux domestiques,
mais surtout pas la liberté. Elle se montre au contraire intraitable avec ceux
"qui ne travaillent pas assez".
"Dans ces cas-là, elle n'hésite pas à
manier le fouet où à faire appliquer à la lettre le code Noir, édité en 1723.
Des textes qui autorisent les châtiments corporels sur les esclaves, y compris
les flagellations et ne prônent rien d'autre que la réification des Noirs. Elle
a profité au maximum du système esclavagiste qui convenait parfaitement au
développement de sa propriété et de ses terres", souligne Jean-François
Sam-Long.
Et elle lutte pour le maintenir en place. Quitte à passer par des
moyens détournés. Puissance économique et politique, Madame Desbassayns et ses
proches utilisent maints stratagèmes pour s'arroger la suprématie sociale,
s'évertuant à contrôler le clergé et la petite bourgeoisie, tentées par des
alliances avec les "gens de couleur". Pour contrer ces "Francs-Créoles" et leurs
idées qu'elle ne tolère pas, telle que la condamnation de l'esclavage,
l'aristocratie foncière, réunie sous l'égide de Madame Desbassayns, crée la "
Société des chevaliers ou amis du bon ordre".
"Elle pense se servir du
clergé pour moraliser les esclaves, pour leur inculquer certaines valeurs, en
dehors de l'idée même d'émancipation", observe Jean-François Sam-Long. Des plans
contrecarrés par l'arrivée dans l'île de l'abbé Mormet. L'homme s'oppose aux
visées de Madame Desbassayns : "Il ne peut y avoir de conversion et de
moralisation des Noirs si la colonie maintient le régime esclavagiste".
La
famille Desbassayns et l'ensemble de l'aristocratie foncière, crient au
chantage. Pour faire évoluer cette opinion, le clergé rappelle le triste exemple
d'Haïti, où l'émancipation mal préparée s'est achevée, quelques dizaines d'année
auparavant, dans un bain de sang.
Les clercs veulent arracher aux
propriétaires l'âme des esclaves. Madame Desbassayns se réfugie alors derrière
l'action des missionnaires pour éviter toute révolution dans le système
esclavagiste. Avec en arrière-pensée, l'idée qu'en cas d'émancipation brutale,
elle aura au moins fait des Noirs de "véritables chrétiens". Les intentions de
Madame Desbassayns à l'égard de ses esclaves sont floues. Cherchait-elle à en
faire de bon petits chrétiens uniquement pour faire taire les vélléités
d'émancipation? Ou se sentait-elle investie d'une mission d'évangélisation par
l'intermédiaire des missionnnaires?. L'anecdote qui suit, peut, plus que
n'importe quel autre témoignage, nous éclairer sur la teneur des relations entre
la maîtresse et ses serviteurs. A son gendre, qui s'exclame en regardant les
Noirs travailler "Regardez-les, ils arrachent les mauvaises herbes, bêchent,
ensemencent. Ils le font parce qu'ils vous aiment", elle répond : "Ils m'aiment
ou ils me craignent ? Peut-on savoir ?".
"Kélonia"
Voici le parc de Saint Leu où l'on peut voir quelques tortues. Plus de vente de carapace ou d'écaille depuis 1997 date de l'interdiction de cette marchandise. Nous y sommes allés une fois et nous n'y retournerons pas car pas beaucoup d'intérêt....